Entre Nous : Le prétexte !
Il y a une semaine, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a présenté à la classe politique les propositions de modifications de lois. Parmi ces propositions, figure l’augmentation de la caution à l’élection du Président de la République. Selon le projet en gestation, chaque candidat à la magistrature suprême devrait débourser la bagatelle de 50 millions de FCFA, soit une augmentation de 100%. Car, la disposition législative électorale en vigueur prévoit le paiement d’une caution de 25 millions de nos francs de la part de chaque candidat. Une somme remboursable à 50% pour les candidats ayant obtenu 5% au moins des suffrages exprimés lors du 1er tour de l’élection présidentielle.
Cette augmentation de la caution constitue-t-elle un moyen de barrer la route aux candidatures fantaisistes ? Viserait-elle à monter la barre très haut pour les moins nantis à se lancer dans la course à la magistrature suprême ?
La conquête de Koulouba devrait être donc une affaire de nantis qui peuvent mobiliser en un clin d’œil des milliards à investir dans la bataille électorale. Et pourtant, de 2002 à nos jours, la caution a connu plusieurs hausses et cela n’a jamais empêché le nombre élevé de candidatures.
En 2002, 24 candidats ont été enregistrés à la présidentielle et chacun a versé une caution de 5 millions de francs CFA. La candidature de Sidibé Awa Sanogo – la 25ème et unique femme- a été rejetée par la Cour Constitutionnelle pour défaut de paiement de la caution.
Dans la perspective de la présidentielle de 2007, le Président Amadou Toumani Touré a adopté la Loi électorale du 4 septembre 2006 pour introduire le parrainage de 10 députés ou 5 élus communaux par chaque région et le district de Bamako. Aussi, chaque candidat doit verser une caution de 10 millions de FCFA. L’enregistrement de 8 candidatures à l’élection présidentielle de cette année ne s’explique pas par l’adoption de ces dispositions mais plutôt par le contexte politique qui prévalait à l’époque où le bilan du président sortant et surtout les moyens colossaux provenant de sa mainmise sur l’appareil d’Etat avaient dissuadé plusieurs ténors de la classe politique de se présenter contre lui.
En 2013 alors que les mêmes dispositions législatives étaient en vigueur, la Cour Constitutionnelle a enregistré 36 candidatures avant d’en valider 28. Par la suite, un candidat en la personne de Tiébilé Dramé du Parena a fait acte de désistement. Jusque-là, le nombre de candidatures enregistrées en 2013 est un record.
En 2018, le Président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta a fixé la caution à 25 millions dans la Loi électorale. Et la Cour constitutionnelle a validé la liste définitive de 24 candidats.
Comme vous pouvez le constater, l’augmentation de la caution n’est pas forcément un frein à la multiplication des candidatures à l’élection présidentielle. Un vrai prétexte ! Il faut se pencher plutôt sur des vrais moyens de moraliser le financement des campagnes électorales. Sinon à ce rythme-là, la course à la magistrature suprême risque d’être à la Merci des barons de la drogue et des grands corrompus de la République, lesquels investissent une partie des fonds détournés ou blanchis pour capter l’électorat afin de faire main basse sur les ressources publiques.
Personne ne s’intéresse au paiement en espèces des cautions de la quasi-majorité des candidats à l’élection du président de la République en violation des textes en vigueur. Personne ne pose la question de savoir l’origine des sommes mobilisées par les femmes et les jeunes de certains partis politiques pour payer la caution de leur porte-étendard. Aucun candidat à l’élection présidentielle ne rend public les comptes de sa campagne.
Chiaka Doumbia